Au sujet de l’autonomie
Pour favoriser l’ autonomie des enfants, l’équipe pédagogique se sert de plusieurs outils, qui ont été minutieusement étudiés et mis en place depuis de nombreuses années. Ces outils — verbalisation, jeu et respect du rythme de l’enfant — sont à la base de notre projet pédagogique.

La verbalisation
En aucun cas, la verbalisation ne répond à une intention d’apprentissage ou de remplissage. Elle a pour seul but d’apporter, de façon la plus claire et honnête possible, des explications, des informations, sur ce que l’enfant vit, voit ou ressent. Elle répond ainsi à plusieurs objectifs. D’abord et avant tout, nous considérons l’enfant comme une personne qui entend, qui voit et qui est amenée à établir des processus intellectuels (compréhension, communication, apprentissage·). A partir de là, tout est relativement simple. Ainsi, nos paroles sont sans secret par rapport à l’enfant. Non que nous ne parlions de tout et de n’importe quoi avec lui ; bien au contraire, nous nous efforçons de lui apporter ce qui ne doit pas échapper à son intérêt. Et pour cela, nous devons porter attention et respect à ses joies, ses peines et ses questions.
La verbalisation motive et régule également les interventions des adultes. Ceux-ci doivent toujours penser à expliquer à l’enfant ce qu’ils attendent de lui, mais en même temps, éviter des paroles inutiles, comme des commentaires déplacés, et ne pas imposer ce qui ne peut être expliqué clairement. Ainsi, ce que l’enfant va entendre, c’est seulement ce qu’il peut entendre parce que cela le concerne. Bien sûr, cela demande aux professionnels un contrôle permanent sur eux-mêmes, car la relation par la parole existe à chaque instant de la journée. La verbalisation permet aussi de donner un cadre à l’enfant, avec des règles de vie. Bien définies, mais sans excès, elles lui permettront d’être rassuré sur son environnement, tant les lieux que les personnes, et le laisseront libre d’agir, de penser ou de se poser au sein de ces limites.
Le jeu libre
Le jeu est vital pour un enfant, au même titre que le sommeil ou la nourriture. Ses apports sont beaucoup plus subtils qu’on ne le pense. Il ne permet pas seulement de développer des capacités motrices et intellectuelles ; c’est en jouant que l’enfant découvre son monde intérieur et le monde extérieur. Ainsi, petit à petit, se construisent les premiers éléments de la pensée, et s’élabore une partie de son psychisme.
L’exemple le plus approprié pour comprendre cette notion est l’enfant qui joue à imiter l’adulte. Chacun peut voir comment l’enfant perçoit une situation, la revit et la transforme. Notre halte met en avant le jeu libre. Pour cela, il est nécessaire d’organiser l’aménagement de l’espace ; les jouets doivent être choisis et disposés de façon à varier les plaisirs et permettre leur accès à tous les enfants. Les meubles sont adaptés et disposés au mieux dans l’espace, afin de créer des coins et différencier des espaces de jeu.
Les professionnelles encouragent les enfants dans leur exploration des jeux en ordonnant un minimum les jouets. Par exemple, les livres, qui requièrent un minimum de calme, ne sont pas rangés au milieu des voitures, avec les enfants qui se déplacent et qui imitent leurs sons. De plus, nous évitons de proposer six fois le même type de jouet. Le matériel est trié et rangé sur les étagères plusieurs fois au cours de la journée afin que les enfants abordent le jeu avec clarté. En effet, est-ce bien encourageant de prendre une boîte où légos et bobines sont mélangés ? Peut-on bien visualiser un puzzle tout démonté ? Pour aider l’enfant à se structurer, son environnement doit être structuré ; ce qui n’implique aucunement une rigidité. Au contraire, puisqu’au milieu de ces jeux, l’enfant est libre d’évoluer et est encouragé à faire des choix : veut-il jouer, quand, comment, avec qui ?
Ce choix pédagogique requiert une grande attention de l’adulte, qui doit être présent et attentif, mais ne pas trop intervenir dans les expériences des enfants. Il est parfois bon de laisser un enfant hésiter dans le choix d’un jeu, pour qu’il réalise ce dont il a réellement envie lorsque le professionnel lui fera des suggestions. De même, il est préférable de ne pas intervenir trop tôt lorsque deux enfants se disputent un jouet. Bien souvent, ils arrivent à trouver un arrangement.
Nous mettons également à leur disposition tout un matériel de découverte, tels les livres, la musique, des marionnettes, une pochette de trésors, etc. afin de favoriser le développement des sens et de l’imaginaire, ainsi que celui du symbolisme.
A ces jeux libres, s’ajoutent des jeux plus guidés, tels les encastrements, la peinture, les activités de psychomotricité, etc., menés pour qu’ils restent une découverte et non une tâche à accomplir.
Le respect de son rythme
Être attentif à l·enfant, c’est ne pas lui demander plus qu’il ne peut : il ne convient pas de forcer un enfant d’un an à être propre ou s’angoisser parce qu’il ne tient pas assis à cinq mois. Mais il ne faut pas oublier de respecter ses besoins physiologiques. Chacun a pu constater qu’un enfant fatigué ne peut pas jouer et éprouve des difficultés à faire ce qui lui était facile. C’est aussi valable pour l’alimentation.
Les repas
Les enfants peuvent participer à trois repas (goûters du matin et de l’après midi, et le déjeuner). Les menus sont conçus pour être équilibrés et attractifs. Les repas sont des moments privilégiés où chacun est convié, mais où personne n’est obligé à manger. L’équipe a pour principe de favoriser une ambiance détendue et agréable à table. Les enfants, après s’être lavé les mains au lavabo, vont chercher leur serviette à la patère qu’ils ont choisie après le goûter. L’adulte les encourage à se servir et à manger seuls. C’est pour aller dans cette même voie de plaisir et d’autonomie que les professionnelles n’obligent pas les enfants à manger, mais les incitent à goûter pour savoir s’ils aiment ou pas.
Il est clair que l’alimentation est un moyen de communication impressionnant. Quelle maman ne s’est pas sentie troublée parce que son enfant refusait de manger ? Quelle sensation de pouvoir ressent alors l’enfant ! Participer au repas de la halte peut permettre à un enfant qui a établi une relation passionnée avec ses parents à travers la nourriture, de découvrir une autre forme de relation à l’alimentation. Ce qui ne l’empêche pas de continuer à refuser éventuellement de manger à la maison, mais tout en ayant connaissance d’autres fonctionnements.
Le sommeil
Venir à la halte, même pour jouer, est fatigant pour l·enfant. Il y a le groupe, le bruit, les éventuelles tensions et toute l’énergie qu’il met dans l’exploration des lieux et des jeux. Bien souvent, les enfants montrent des signes de fatigue : pleurs, abattement ou excitation. La halte a été aménagée afin que chacun puisse s’y reposer. De nombreux coussins et matelas sont répartis et les enfants savent très vite les utiliser pour un simple repos de quelques minutes ou une longue sieste. D’abord aidé par l’adulte, qui doit parfois imposer le repos pour qu’il prenne conscience de sa fatigue, l’enfant apprend à gérer sa sieste. Il est donc courant de voir celui-ci, même tout petit, aller chercher son doudou ou sucer son pouce et s’allonger sans rien demander à personne.
Les enfants venant en journée à la halte ont la possibilité de se reposer après le déjeuner. La préparation est ritualisée : après s’être déshabillé, l’enfant va ranger sa caisse où il a mis ses vêtements, va aux toilettes ou joue en attendant qu’on change sa couche. Puis, accueilli par un adulte, il choisit un matelas après avoir éventuellement pris son doudou ou sa tétine dans la corbeille prévue à cet effet. Les professionnelles accompagnent l’endormissement en tenant compte des particularités de chaque enfant. Certains aiment que l’adulte chantonne ; d’autres préfèrent qu’il les caresse un peu sur la tête ou sur le torse ; ou bien d’autres préfèrent qu’il reste à côté sans les toucher. Ce temps de repos est nécessaire pour tous, même pour les enfants qui ne font plus de sieste à la maison. Même s’il ne s’endort pas, son corps et son esprit ont besoin de se ressourcer. De fait, rares sont les enfants qui ne dorment pas, ne serait-ce qu’un peu. Le lever se fait en fonction du réveil de chacun : certains vont donc être debout vers 13h45, et d’autres à 16h ! On voit aussi que tous les enfants n’ont pas les mêmes besoins, que tous n’appréhendent pas la halte de la même façon, certains restant plus attentifs à ce qui se passe alentour, réduisant leur temps de sommeil par rapport à la maison.
Conclusion
En agissant sur trois plans différents, et cependant complémentaires (les besoins physiologiques, ludiques et l’aspect plus intellectuel de la verbalisation), les professionnelles amènent les enfants à trouver leurs propres solutions. Ainsi, ce qui pourrait constituer une grande angoisse – la séparation familiale et la confrontation au groupe – devient peu à peu une source d’évolution et d’enrichissement.